confinement et déconfinement : deux professeurs témoignent

En cette période où il est difficile de trouver des informations fiables, j’ai interrogé deux enseignants dont je suis proche, afin de me faire une idée précise de leur vécu durant cette période de confinement.

Je vous propose pour le "zoom" de cette semaine de vous livrer leurs témoignages. Le premier est professeur dans un collège de Lillers, la seconde enseigne le Français dans un lycée de Lens.

« Ma mission d’enseignement a été bousculée lors de la période de confinement et a révélé des points positifs et négatifs du travail en distanciel.

Au commencement, j’y ai vu l’opportunité de travailler en profondeur la pédagogie en mettant en place des cours au format vidéo et pas simplement une feuille d’activité. Ce travail était pour moi l’occasion aussi de montrer ce qu’il se fait en classe de donner des explications orales et en image à destination des élèves et des parents d’élèves.

Ainsi les parents pouvaient aussi s’approprier une séance de cours de 15 à 25 minutes suivant le contenu et le niveau. Cela a pu changer la relation parents professeurs.

Il m’était donc impossible de suivre les recommandations du ministère qui préconisaient davantage de la révision de notions acquises ou en cours d’acquisition. Ce travail m’a pris énormément de temps, mais pas en vain, car il pourra être réutilisé dans le futur afin d’aider un élève absent lors d’une ou plusieurs séances de cours.

Cette période a été très salvatrice dans le sens où l’aspect énergivore et chronophage du métier concernant les contraintes d’emploi du temps (amplitude horaire de présence), la gestion de classe (300 élèves), la gestion des incivilités en tout genre, les rapports administratifs (punitions) étaient entièrement renvoyés vers l’autorité parentale.

J’ai été aussi content que cette crise exacerbe des problèmes pour lesquels des solutions allaient être mises en place, notamment concernant la relation des parents d’élèves ou des élèves à l’ENT (espace numérique de travail permettant la communication, entre autres, des leçons et devoirs entre professeurs et élèves). L’ENT a connu des problèmes majeurs tant par la limitation de son espace sécurisé que par son accessibilité. Effectivement, si le compte n’a pas été visité pendant 3 mois, le compte est désactivé et un nouveau mot de passe doit être créé. Le seul détenteur de la création de mot de passe est le chef d’établissement.

L’ENT n’est pas un système pratique, la seule recherche de message autorisé est celui de l’objet du message ce qui est peu pratique. L’autorisation tolérée et non officielle donnée par l’Education nationale de pouvoir utiliser d’autres outils a facilité la prise d’initiative (compte gmail, page facebook, chaine youtube, site internet).

Les adresses mail parents ont été récupérées avec plus ou moins de succès (adresses mail non vérifiées…) et ont permis de recréer du lien avec les parents d’élèves mais ce fut très chronophage.

Deux semaines plus tard, cette nouvelle dynamique fut amorcée.

De là, un nombre très conséquent de mails arrivèrent auxquels je répondais. Si je pouvais être content de la mise en autonomie des élèves, la fracture numérique apparut très peu dans le manque de connexion internet mais dans son usage et des outils de communication. Les usages (bonjour, voici mon travail, cordialement, nom de l’élève, classe de l’élève) n’étaient pas acquis. Certaines familles n’avaient pas d’ordinateur, d’imprimantes. J’ai choisi ce mode de travail en vidéo pour limiter le besoin de matériels. Une simple photo de cahier suffisait.

Dans cette période, des travaux n’étaient pas rendus car certains parents travaillaient, avaient plusieurs enfants à gérer et les professeurs donnaient parfois beaucoup de travail. Les familles ont aussi mal vécu le fait que le travail donné était sur plusieurs canaux (ENT, dossiers pédagogique ENT, facebook, youtube). Les familles ont aussi choisi les matières travaillées en fonction de leur propre hiérarchie (Français et mathématiques).

De mon côté, les comptes rendus à effectuer furent énormes. Il y avait des messages des professeurs principaux sur l’ENT, sur Pronote, pour faire un compte rendu du travail effectué par les élèves, des messages concernant des élèves à besoin particulier (dont le chef d’établissement nous demandait de ne pas le mettre de côté).

Des messages des parents demandant si leur enfant avait effectué le travail, des envois de travaux d’élèves sans nom d’élèves, ni classe avec des noms d’adresses mail improbables dont l’identification n’était pas possible, des demandes d’élèves ne sachant pas où ils en étaient de leur progression et s’ils avaient oublié de faire un travail, des messages d’élèves justifiant leur incapacité à rendre leurs travaux… Ce fut le quotidien du travail à distance.

Un nombre d’allers retours de mails incessant, chronophage et laissant désormais peu de place à la pédagogie. C’est à ce moment-là, qu’un conseil en distanciel pédagogique aurait été souhaitable afin d’inventer d’autres manières de faire remonter les informations de manière plus pratique et efficace. Ce ne fut pas le cas. Ce moment de retour à la réflexion pédagogique et de soustraction aux contraintes pédagogiques citées en début de récit fut rapidement balayé par la désorganisation de communication avec les parents et les élèves.

Au bout de la 4ème semaine, voyant certains élèves exprimant leur volonté d’être en vacances, j’ai décidé de mettre un 0 pour travaux non rendus. De là 2 ou 3 familles se sont exprimées sur les difficultés qu’elles rencontraient et qui étaient légitimes, d’autres se sont exprimées qu’au nom de l’égalité des chances, leurs enfants profiteront de ce moment pour faire autre chose que ce que les professeurs demanderont.

De là, le chef d’établissement a demandé de la bienveillance à l’ensemble des professeurs et d’évaluer les élèves avec les compétences pour profiter de ce moment de valider le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Ce fut donc pas moins de 300 x 7 soit 2100 compétences ou pastilles à valider une à une sur le logiciel Pronote. Un véritable sacerdoce !

Les vacances de printemps furent très appréciées car le travail fut conséquent.

La routine s’est installée, cela dit avec les vacances de printemps, j’ai vu une diminution nette d’envoi de travaux. »

Je me souviens, semaine du 02 juin 2020…

« Et après des jours de confinement, des centaines d’heures passées en visio, des milliers de mails envoyés ou reçus, je retourne au lycée…

Je sors de ma voiture, il y a moins de monde qu’à l’ordinaire. Masquée, je croise des ombres, on ne se re-connaît pas ou plus…

Dans l’entrée, je suis les flèches. Je passe devant un bureau vide pourtant j’entends parler, on dirait que l’on se cache. Les bancs, les casiers sont rubalisés et dégagent une musique de « papiers au vent » comme dans un film où l’inattendu va subitement surgir !

Dans la cour, peu de bruits, des êtres que je ne reconnais toujours pas semblent sortir d’un profond sommeil, d’un ailleurs, d’un autre temps, celui où l’on ne se souciait guère de l’invisible. Cet invisible qui créé désormais des barrières entre les êtres, les englobant comme dans un champ magnétique où il est impossible d’entrer, les rendant déjà humanoïdes, l’ère de l’Homme-machine serait-elle arrivée ?

Puis la sonnerie, l’entrée rangée et distancée des élèves qui prennent possession d’une nouvelle table attitrée et gélifiée... Regards de biais, comme gênés, la parole se libère enfin, au travers d’un masque et loin, mais enfin quelques paroles, des regards, voire des rires, des soulagements… Je peux pratiquer mon métier autrement que par écrans interposés… Certes, les barrières sont encore là… pas question de m’approcher, de circuler dans les rangs, de distribuer des documents… mais le plus important est de revoir mes chers élèves… Nous sommes encore là, nous sommes encore humains et plus que jamais nous allons revendiquer notre instinct grégaire, notre besoin d’humanité…»

De nombreuses pages seront encore écrites sur cette période si particulière que nous venons de vivre... des leçons seront à tirer de ces expériences inédites que nous avons été amenées à vivre… avec pour objectif d’être parés pour ne plus avoir à vivre un confinement.

C’est l’affaire de nous tous, citoyens de France, d’Europe et du monde.

Les  parlementaires s’y emploient  depuis  le 16 mars.

Personnellement je travaille sur les mesures de simplification de toute nature qui peuvent aider à accélérer la relance de notre économie.

L’urgence se déplace du plan sanitaire au plan économique.

MDA

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